Le Huitième Jour, un film d'Emir Kusturica tourné dans un RER

Publié le par Q1

La vie est faite de moments. Des moments sympas, des moments chiants, des moments drôles, des moments superbes (allez donc regarder un coucher de soleil au dessus d'un champ après une grosse pluie, quand les nuages se clairsèment et que le soleil émet une lumière d'or orangé qui se reflète dans ces nuages en inondant le ciel et la terre...).

Et puis il y a des moments purement magiques.
Inattendus, gais et surréalistes.

Imaginez un RER. Une voiture quasi vide.
Un voyageur qui vient de se réveiller d'une courte sieste et a les yeux encore endormis.
Alors qu'il menace de replonger dans le bras de Morphée, son attention est soudain attirée par 3 types qui montent dans le train et s'asseoient quelques sièges plus loin. Ces trois types semblent sortis d'un film de Kusturica, des types basanés, avec des grosses moustaches, des sourires joviaux et surtout... des accordéons ! Les trois hommes s'asseoient, le voyageur fatigué leur jette un regard accompagné d'un sourire qui lui est retourné.

Les accordéonistes à peine assis, un trisomique monte dans le train à son tour. Un trisomique du genre léger, relativement autonome, pas farouche et volubile.
Le trisomique salue les trois hommes, et s'ébaubit devant leurs accordéons avec un sourire simple dont seules les personnes à triple chromosome savent vous gratifier et demande un peu de musique. Simplement. Après tout, des accordéonistes, ça doit bien jouer de l'acordéon, non ?

Et donc, ce qui avait l'air de devoir se passer au vu des protagonistes se passa : notre voyageur fatigué se voit soudain appellé à rejoindre le groupe par le trisomique, les moustachus enfilent les bretelles de leurs instruments, se jettent un regard complice, et attaquent un concerto composé d'airs classiques arrangés à une sauce de l'Europe du Sud-Est ou de la Turquie...

Notre voyageur n'en croit pas ses yeux... Dans un RER, trois types sortis de Chat Noir, Chat Blanc qui jouent de l'accordéon pour un trisomique et un étudiant... Les accordéonistes sourient, jouent, battent la mesure du bout du pied. Le trisomique s'éclate, rit, bat la mesure, chante... Et l'étudiant se sent gagné par la douce folie qui s'est emparé du wagon, claque des doigts, bat la mesure du bout du pied, rit franchement en pensant à la tête des trois ou quatre voyageurs assis plus loin dans le train...

Et puis les types s'arrêtent, et l'un demande gentiment si on a pas un sou ou deux à leur offrir. De bon coeur, notre voyageur reconnaissant leur remet quelques pièces pour les remercier du moment passé, en ce début de week-end. Et les trois types reprennent leurs accordéons et jouent un nouveau morceau avant de descendre du train lorsque celui-ci s'arrête à la gare d'après.

Pendant les 5 ou 6 minutes qu'a duré le trajet, j'ai vraiment oublié où j'étais...
J'étais dans un train, mais où se trouvait se train, je n'aurais pas su le dire.
Au fond, ça a été un moment exceptionnel. De ceux qu'on garde dans un coin de tête pour les jours de coup de blues.
 
Si vous vous faites chier dans le train, imaginez que le wagon est vide, et qu'il y a avec vous un orchestre d'accordéonistes, un trisomique heureux et un étudiant ravi.

Publié dans Capharnaüm (Divers)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
;-))
Répondre