Les Chroniques Absurdes - Chapitre Quatrième

Publié le par Q1

Chapitre Quatrième - Où l'on visite l'Auberge du Désert


Sise au milieu du Désert de Craie, l'Auberge du Désert est un établissement hôtelier de première classe. En effet elle appartient à la catégorie d'établissements hôteliers où l'on peut boire, manger et dormir sans trop d'encombres. Ceci par opposition aux établissements de deuxième catégorie, lieux sombres et humides où l'on se réunit entre individus louches pour y monter des coups flirtant (et plus si affinités) avec l'illégalité, aux établissements de troisième catégorie où l'on venait surtout pour se mettre sur la tronche et au besoin forniquer avec des professionnelles (aucune demoiselle digne de ce nom ne mettrait les pieds dans ce genre de bouges), sans parler des établissements de quatrième catégorie où la clientèle se faisait carrément dézinguer par les tenanciers pour un détroussage plus aisé.

Bref, l'Auberge du Désert avait une réputation plutôt flatteuse. Il faut dire que si la plupart des voyageurs qui traversaient le Désert s'y arrêtaient, la plupart étaient de braves marchands, de bons colporteurs, ou de rusés vagabonds, mais rien de trop méchant.

L'Auberge se présentait à la vue comme un cube blanc s'élevant sur trois étages. La couleur n'était pas celle du matériau de construction mais bien de la craie déposée dessus au fil des ans. Près du bâtiment, une pompe apporte l'eau aux cuisines et salles concernées.
Le chauffage de ladite eau est assuré par un astucieux système de réservoir en verre, chauffé à mort par le soleil et la réverbération sur la craie au sol.

Mais trèves de technicités, revenons à nos héros.
Blanchis de pied en cap, Ed, Le Navet, le Sergent-acrobate Zada et Isdzi entrèrent dans l'Auberge. Il reignait une fraîcheur de bon aloi dans la salle ombragée où un type tout blanc buvait au comptoir tandis qu'un trio de types tout noirs buvaient à une table.

«Première Classe Isdzi, je suis au regret de vous sommer de ne pas émettre de paroles en ces lieux, ordonna le sergent Zada avant d'ajouter : je crains en effet que la structure en éponge ne supporte pas votre talent inné...
- En éponge ? l'interrompit Le Navet incrédule.
- Curieux, n'est-ce pas ? En fait le bâtiment a été conçu par hasard. Un type devait traverser le désert avec un chargement d'éponges. En arrivant de l'autre côté, on constata que ses éponges avaient tellement séché dans le désert qu'elles étaient devenues ausi solides et imperméables que de la brique. Du coup, le marchand d'éponges reprit sa cargaison devenue inutile et bâtit cette auberge au milieu du désert.
- Ma chère, je suis décidément ravi que nos chemins se soient croisés. J'ignorais tout de la construction de cet édifice, pourtant renommé. pardonnez ma question, mais avez-vous encore beaucoup d'anecdotes de ce niveau en mémoire ? Si c'est le cas, je tiens à dire que je serais forcé de tout faire pour que nos routes ne se séparent que le plus tard possible ! Une personne de votre rang, capable de vos prouesses, étant en plus cultivée, ma foi, je pâlis d'admiration, je...
- Mais, dit Ed, interrompant la dithyrambe du Navet, qu'est-ce qui a fait que ces éponges sont devenues ainsi ?
- Eh bien, commença Zada.
- La craie, lança une voix grave qui fit sursauter le petit groupe.»

Les quatre compagnons de voyage se retournèrent vers la source de la voix et avisèrent, dépassant à peine du bar, un petit homme fluet à la moustache aussi bleue que fournie qui à sa veste brodée du nom "Auberge du Désert" et à son calot brodé du mot "PATRON" en lettres majuscules s'avéra être le patron de l'Auberge du Désert. Donc l'ex-marchand d'éponge du récit de Zada.

«Eh oui, la craie, m'ssieurs dames. Cette foutue poussière absorbe toute l'humidité de l'air comme les ténias de Silexie absorbent tout ce que vous bouffez, passez moi l'expression. Du coup, mes éponges ont séché, et à défaut d'eau, elles ont absorbé au passage une quantité non négligeable de poussière de craie. Par une bien étrange symbiose, les éponges crayeuses sont devenues imperméables, et ont durci au possible. Tout ce que l'eau pouvait leur faire, c'était de les coller les unes aux autres aussi sûrement qu'une hémorroïde reste collée à un cul, passez moi l'expression. Résultat, mes éponges étaient devenues un excellent matériau de construction. Je n'ai plus eu qu'à les mouiller avec l'eau du puit naturel que j'ai trouvé ici, et j'ai bâti cette auberge en moins de temps qu'il n'en faut à un puceau pour décharger, passez moi l'expression.
- Mon cher Aubergiste, je suis simpement ébahi d'en apprendre autant sur les relations mystérieuses liant les éponges et la poussière de craie, mais vous est-il vraiment nécessaire de ponctuer vos phrases de ces expressions aussi imagées que grossières ?
- Ca par exemple ! Monsieur, votre navet parle ? J'en suis for surpris. Pour votre gouverne, messire Navet, je m'exprime comme on s'exprime dans ma région natale.
- Et quelle est-elle ?
- je viens des Franges Méridionales, là où le soleil chauffe comme une pucelle délurée devant un concombre, passez moi l'expression.
- J'en déduis donc que vous devez être porteur d'une pilosité azur qui est j'en suis sûr du meilleur effet.
- Plutôt intelligent, pour un navet...
- Et j'en déduis aussi que les chances que vous soyez dépendants aux Navets de par une tare génétique qui est aussi responsable du bleu de votre système pileux sont très grandes...
- Vraiment intelligent, pour un navet. Mais soyez rassurés, mon stock de navets pour la soupe est plein, je n'aurais pas besoin de vous ravir à vos compagnons.»

C'est alors qu'un commis affolé sortit des cuisines, sa chevelure bleue flottant derrière sa toque. En gesticulant, il parvint à s'adresser au Patron :
«Patron, c'est terrible...
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Le stock de navets était pourri comme les parties génitales d'une mère maquerelle, on en a plus un devant nous...»

Un silence absolu tomba sur l'Auberge du Désert, tous les yeux disponibles se tournant vers Le Navet et ses compagnons...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Mais non ! Va y avoir une grosse bagarre ! Plein de poussière de craie... une cracheuse de feu...
Répondre
M
Je parie qu'il ressortira de la casserole encore plus bavard qu'avant... enfin si c'est possible !!! ^^
Répondre